[CONCOURS RP 1] La promesse.

- S’il-vous-plaît Maître, venez avec moi dans les abysses !

C’était Hinamori qui me demandait cela. Pour la cinquième fois de la journée, elle était plantée devant moi et me toisait du haut de son mètre cinquante. J’ai rarement vu une gamine aussi douée pour l’art du combat… et surtout aussi déterminée.

Je laissai sa question sans réponse. Je n’aimais pas être dérangé à ce moment-ci de la journée.

La nuit n’allait pas tarder à couvrir le village de sa fraîcheur et les derniers rayons de soleil de cette chaude journée éclairaient agréablement le salon d’une lumière dorée donnant à la pièce une atmosphère propre aux divagations de l’esprit.

J’adorais la quiétude de ce moment du jour où la vie se prépare au repos, où les hommes se détendent après un dure journée de labeur et où les enfants arrêtent leurs course effrénée vers la vie pour se revigorer autour d’un bon goûter. Vous pensez que ce sont là les divagations d’un vieil homme ? Sans doute, bien que mon apparence reste jeune, mes os et mon âme sont aussi las que ceux d’un grand père ayant trop vécu et trop perdu.

- Maître, je vous en prie, j’ai besoin de vous pour le retrouver !

-Tu n’es pas prête pour les Abysses Hina…personne ne l’est d’ailleurs.

Hinamori baissa le regard et contint difficilement les larmes qui menaçaient de jaillir de ses grands yeux naïfs.

- Pourquoi refusez-vous ? Je n arriverai pas seule à le ramener vous savez…votre refus…c’est le laisser mourir, nous laisser mourir car j’irais avec ou sans vous.

Sans un remord, sans l’once d’une émotion je la regardai droit dans les yeux :

-Alors va…et mourrez tous deux. Vous ne serez pas les premiers à périr dans les Abysses ni les derniers. Je t’ai appris tout ce que je savais, mais cela s’arrête là. Que tu vives ou que tu meures…cela ne me regarde pas.

Le silence s’installa, elle ne bougeait plus, moi non plus d’ailleurs. Mon cœur battait la chamade et chaque battement m’arrachait des souvenirs que j’aurais préféré oublier. Je fermai les yeux. Le courage me manquait pour la regarder après ce que je lui avait dit. Puis elle partit et le son de ses pas contre le parquet résonna longtemps dans ma tête endolorie.

Comment lui dire ? Comment lui expliquer ma promesse de ne plus jamais revenir dans les Abysses ? Je ne pouvais pas car ce serait avouer tout le mal que j’avais fait. Et manifestement je préférais laisser mon élève partir vers une mort certaine que de combattre mes propres démons et avouer ma faiblesse. Pitoyable, non ?
Mais je suis déjà habitué à cela, beaucoup me disent que l’autopitoiement ne convient pas à un guerrier de ma trempe, mais je n’ai que faire de leurs avis. Cela me convient, ce nouveau moi me convient, et me noyer dans l’alcool me convient aussi. Et c’est ce que je fis juste après le départ d’Hinamori. Ce n’était que dans la boisson que ma conscience échappait enfin aux souvenirs et remords de mon âme.

Mais cette nuit là…l’inverse se produisit. Châtiment d’Aion lui même, ou simple coïncidence je revis tous les détails de cette nuit dans les Abysses. Mon corps et mon esprit s’y croyaient de nouveau…

C’était une nuit, une très belle nuit dans les Abysses. Je regardais toujours avec émerveillement ce fantastique mélange de couleurs pastel que produisaient les flux d’aéther.
Cela faisait cinq jours que j’avais été promu général de ma division suite à la mort de mon frère aîné. Des assassins asmodiens paraissait-il. Ils auraient fondu sur notre camp, invisibles et meurtriers. Plus d’un ami trouva la mort cette nuit là, sous la dague aiguisée de ces lâches.
Et moi, j’étais là à me contenter de regarder l’horizon, vêtu d’une armure de général et essayant d’oublier où j’étais cette fameuse nuit au cours de laquelle mes amis et mon frère périrent.

Nous avions passé ces cinq dernières journées à préparer notre vengeance et à contenir la souffrance des épouses, amants, sœurs, pères, fils, amis et j’en passe qui pleuraient un être cher. Ils comptaient tous sur moi pour les venger. Ils comptaient tous sur moi pour mener cet assaut d’une main de maître, et pour faire payer ses misérables lâches.
Je ne pouvais pas les décevoir, combien même je présageais le pire je ne pouvais pas faillir à mon devoir.
Nous avions localisé leur camp et nous donnerions l’assaut cette nuit. Il n’avait pas été difficile de les localiser, je savais où ils étaient. Et je savais aussi qu’elle était avec eux.
Quelle ironie. Alors même que je pensais à quitter le front, à lui proposer de partir ensemble loin de tout cela. Mais c’était trop tard. L’irréparable avait été commis par les siens alors que nous partagions une autre nuit de passion. Je ne pouvais que prier qu’elle eût déserté, qu’elle soit partie loin, très loin de moi et de mes hommes. Car je le savais, ils ne feraient pas de quartier.

Quelques instants après nous avions pris notre envol, on n’était qu’une petite trentaine sur la cinquantaine que nous étions il y a cinq jours. Que de places vides dans notre formation, que de rires qu’on n’entendrait plus.

Avant j’adorais sentir le vent sur mon visage quand je chargeais les troupes ennemies avec mes amis, mais là, je ne pouvais contenir les larmes qui humidifiaient mes joues.
La rage l’emportait sur tout le reste. Les souvenirs des êtres perdus il y a peu. Des scènes d’entraînement communs, de toasts portés dans une taverne, de fous rires… envahissaient mon esprit à chaque battement d’aile. Mes compagnons bouillaient de rage également, je le sentait aux vibrations de leurs ailes autour de moi, jamais auparavant je n’avais eu le cœur aussi lourd avant une bataille.
En quelques minutes nous fûmes sur leur position. Evidemment ils s’attendaient à des représailles et étaient prêts. Je n’ai pas eu besoin de donner l’ordre de charger. Les hommes et les femmes sous mon commandement agirent comme une seule conscience dont la raison aurait était balayée par la douleur et la rage insufflées par le désir de vengeance. Ils ne s’inquiétèrent même pas des volées de flèches asmodiennes et se ruèrent au corps a corps avec une férocité sans égal.
Je fis de même. Je sortis mes deux lames, le bouclier n’était pas nécessaire il s’agissait de vengeance et de rien d’autre. D’un bref mouvement vers la gauche j’esquiva une flèche, puis en deux coup d’aile je fus sur l’archer asmodien qui m’avait pris pour cible. Il avait eu le temps de sortir son arme mais ne put rien faire contre les moulinets de mes lames courbes qui transpercèrent son poumon droit et sa gorge. Je ne le vis même pas s’effondrer au sol que j’étais déjà sur ma prochaine victime. C’était une asmodienne qui maniait la lance. Trop lente, passer sous sa garde fut un jeu d’enfant. La tuer d’un seul coup aussi. Voir son dernier regard alors qu’elle tombait, rien ne m’avait préparer à cela. Aurais-je la force de combattre celle que j’aimais quand elle serait devant moi ?
A ce moment là je ne le savais guère. Je renouvelai ma prière pour qu’elle ait quitté le camp asmodien. Puis regardai autour de moi. Le combat faisait rage. Le bruit était assourdissant, les bruits métalliques des armes qui s’entrechoquaient, les détonations des sorts, les cris d’agonie ou les rugissement de victoire emplissaient l’air. Les giclées de sang et les plumes arrachées aussi. Ce n’était pas un combat à la loyale c’était certain, ce n’était pas un combat pour défendre ou conquérir un territoire. Non c’était un combat pour venger, pour tuer, pour exterminer.

Quelques minutes après la bataille continua au sol. Les survivants de chaque faction voulant conserver leur énergie pour les combats. J’affrontais plusieurs ennemis au sol, entre esquives, sauts, feintes, roulades, parades je faisais danser mes lames comme jamais auparavant. Je modifiait l’angle de chaque coup faisant de chaque série de moulinets une attaque nouvelle et meurtrière. Revigoré par le fait que je n’avais pas aperçu la femme que j’aimais à ce stade de la bataille je regagnais mon sang froid. Chaque pas, chaque mouvement de poignet était calculé froidement et méthodiquement. Une erreur et ce serait peut être ma dernière.
Je ne savais plus combien de temps s’était écoulé, ni combien de mes amis étaient encore à mes côtés, mais j’avançais ennemi après ennemi, inlassablement. Jusqu’au moment où je l’aperçu.

La danse de mes lames s’arrêta soudain, elle était là, aussi belle que dans mes souvenirs, ses magnifiques ailes noires pliées sur son dos, son armure de mailles épousant ses formes à la perfection. Je m’attardai sur son regard, ses yeux. Mon âme s’y reflétait. Mon regard était aussi triste que le sien ? Je ne saurais le dire. Mais par Aion qu’est ce que j’aimais cette femme ! Une douleur au flanc me tira de ma contemplation. Je venais de me faire toucher par un ennemi que je n’avais même pas remarqué. Je me ressaisi et en quelques coups je lui réglai son sort.

Le champ était dégagé. Aucun ennemi ni allié ne me séparait d’elle. Elle retira sa lame du corps d’un de mes hommes et se tourna vers moi. Sa chevelure argentée habituellement arrangée en une coiffure complexe, flottait au vent, maculée de sang. Je regardais autour d’elle et y découvrit une multitude de corps, c’étaient les miens, mes compagnons, morts sous ses coups.
Je regardai derrière moi. J’y avais laissé un sillage tout aussi macabre. C’étaient les siens qui avaient péri sous mes coups.

Nos regards se croisèrent. Ses yeux qui me regardaient jadis avec un tendre amour étaient emplies de peur, de douleur et de désespoir. Elle leva sa lame gauche et me salua.
- Acceptes tu cette danse mon amour ? fit t’elle d’une voix étranglée.
Ses yeux s’emplirent de larmes alors qu’elle attendait ma réponse, chaque gouttelette cristalline qui caressait sa joue étant un coup de poignard dans mon cœur. Comment pouvais-je supporter cela ?
- Je ne peux pas….JE NE PEUX PAS ! Criai-je en lâchant mes armes et tombant à genoux. Ces derniers ne me supportaient plus.

Elle baissa son arme et murmura de sa douce voix.
-Nous devons pourtant…regarde autour de nous…nous n’avons plus le choix…nous ne pourrons nous regarder comme avant après ce que nous avons fait…
Elle avait raison, comment pourrions-nous nous aimer après l’avoir vu tuer mes compagnons et après qu’elle m’ait vu faire de même ? Après que les siens aient lâchement assassiné mon frère et tant d’autres il y a quelques nuits. Avec ces pensées toute envie de vivre me quitta soudain. Elle voulait que notre combat soit le dernier, qu’il en soit ainsi, je mourrais par sa lame. Mais elle devait rester en vie et se battre jusqu’au bout. Je ne vit qu’une solution pour lui redonner la rage de vivre.

Avec un rire hystérique je me relevai et repris mes armes.
- Tu as raison... dansons et voyons qui de nous deux est le meilleur.
- Tu n’es pas sérieux, je le sens…
- Ah bon tu crois cela ? Tu crois réellement que je vais me laisser tuer ? que je tiens plus à toi qu’à ma propre vie ? Réveille toi ma belle ! Tes cuisses ne valent pas que je sacrifie ma vie sur ce champ de bataille.

La jeune asmodienne ouvrit grands ses yeux, surprise des mots durs de son amant. Puis elle se mit en garde, perplexe.

-Et bien voilà, nous pourrons commencer, et je sortirais vainqueur de ce duel pour raconter aux autres comment je me suis faite une petite asmodienne avant de lui régler son compte. Tu sais tes charmes ne valent pas ceux des filles de chez moi, elle son nettement plus….

Sa charge m’empêcha de continuer ma provocation. Ses yeux bouillaient de rage désormais, elle avait été blessée par mes paroles et c’est exactement ce que je voulais.

Nous dansions avec passion. Nos lames se croisant dans un ballet mortel. Elle se débrouillait bien ma belle, ses muscles bougeaient avec grâce et élégance, ses coups subtils et ses feintes rusées. Que j’aurais aimé m’entraîner avec elle. Que j’aurais aimé que la danse de nos corps ne soit que les prémices d’échanges plus intimes. Que j’aurais aimé être le père de ses enfants ! Je profitais des derniers instants de ma vie, gravant à jamais les lignes de son visage, la profondeur de ses yeux, l’odeur de son corps, la douceur de sa peau…bientôt je baisserais ma garde et laisserais son coup venir. Mais soudain, mes plans s’évanouirent alors que ma lame s’enfonça dans son torse. Comment ? Mon épée aurait du rencontrer la sienne comme les douzaines de fois précédentes ! Elle aurait dû le parer ! Elle l’avait toujours fait !
Elle s’effondra dans mes bras, elle saignait abondamment et s’accrochait à moi.
Je la regardait sans comprendre. Elle souriait.
- Tu est très mauvais comédien tu sais Daisuke…
- Mon amour, non… ça devait pas se passer comme ça… je…
Elle mit son index sur mes lèvres.
-Silence mon aimé, je suis heureuse comme ça…promets-moi juste d’aller au bout de tes rêves…Je ne savais que répondre.
-Promets-moi Daisuke, tout ce que nous avons rêvé ensemble, tous les rêves que tu as partagés avec moi, promets-moi de les suivre et de les réaliser ! S’il-te-plaît !
- Je… je te le promets…Puis elle cessa de respirer
- Je te promets aussi de ne plus jamais revenir ici.

Et je me réveillai, en sueur et tremblant, conséquence de mon rêve ou de la bouteille d’alcool que j’avais vidé après le départ d’Hinamori ? Impossible à dire. Je pris mes affaires et partis à la recherche de mon élève. Mon frère m’avait toujours accusé ne pas tenir mes promesses.

Merci pour ta participation!
A bientôt sur Aion-RP