Elysius Belaguez.

[Prologue]

A l'orée du bois, près du lac en amont, il bascula ce qui avait été un jour son corps à terre.
épuisé mais toujours incapable d'admettre le terrible enchaînement des évènements préçédants.

Adossé à un arbre Il demeura ainsi sur le sol, dans une immobilité de statue.

Un temps qui parut infini s'écoula avent qu'il ne puisse se ressaisir.

Rond et blanc, l'astre éclairée les restes de la tour d'éternité dans les oraisons dégagées du ciel boréal.

Au boud d'un moment passer à fixer le firmament, Il décida d'affronter le spectacle inattendu de sa débâcle.

et du mystérieux individu qu'il était advenu à présent.

Se penchant sur l'eau, il observa tout d'abord ses mains, nimbées d'une aura surnaturelle, dans la lueur spectrale de la lune.
Aucun doute, c'était là les mains puissantes et fines d'une silhouette nouvelle et inconnue.
Il remarqua, ornée à l'un des annulaires, une élégante chevalière gravée d'anciennes armoiries.
Du bout de ses longs doigts, il parcourut à tâtons son nouveau visage, remplacé désormais par des traits taillés à la serpe et dans le marbre, soulignés d'une courte barbe.
Il défit le ruban qui retenait ses cheveux à la manière des hommes d'armes
- au moins une pratique qu'il n'avait pas perdu dans cette curieuse occurrance -
et ne put que s’étonner de la sensation que lui procurait leur contact soyeux sur ses épaules.
Il savait que ses yeux présentaient maintenant une teinte bleu limpide.
Il eut un pale sourire à la pensée qu'il habiterait désormais et pour les décennies à venir la physionomie et l'identité d'un autre.

Autrefois commandant du corps d'élite de la garnison de la forteresse d'heiron
composé essentiellement de renforts humains.
il menait ses hommes dans la campagne profonde dans une initiative lancée abruptement
par le gouvernement et qui avait virée à la débâcle totale
de la compagnie, submergée par l'ennemi proscrit.
les forces de secours, les daevas, ou gardiens comme ils étaient communément appelés par le peuple
étaient arrivés bien trop tard sur le lieux des évènements.

dernier survivant du prétendu de bataille, son souffle était encore irrégulier
Au moment ou il avait cru voir la mort venir le conforter à son tour dans ses bras
telle une amante aimante, de la même façon qu'elle avait emporté l'ensemble de ses compagnons-
une silhouette ailée s'était avancée et penchée sur sa dépouille dans un halo de lumière
et lui avait ainsi insufflé un corps neuf dont il partagerait à présent les souvenirs.

Il avait voué sa vie à l'effort de guerre, le voilà qui en était désormais récompensé
au seuil du couloir de la mort.
De la plus singulière des manières ..

[Epilogue]

Ils se dirigèrent ainsi vers ce qui adviendrait une fin funeste...

Alors que le soleil ne s'était pas encore montré, il fulminait dans la cour de la forteresse
impatient de partir, et furieux de devoir faire cheminer ses soldats avec un groupe de femmes
que la dame de Stenon fut du lot ne l'apaisait pas le moins du monde.

- Beorn ! Cria t'il, en tentant de repérer son second parmi les hommes massés dans le grand espace.
- Oui messire ? Grand et large, l'officier aux yeux noisettes arborait une fine couronne de cheveux bruns
au dessus de son visage rasé de frais.

Comme chacun de ses hommes, il portait une tunique de laine grise, ombrée d'argent sur une chemise blanche
et des pantalons de cuir gris. Plus âgé de quelques années que son chef, ce vétéran aux brillants états de service
n'avait jamais manifesté l'intention de diriger le corps d'élite de la garnison.
Ravi que quelqu'un d'autre prenne les décisions et les assume, il était heureux de servir sous les ordres
du patriote, comme on se plaisait à le surnommer autour de lui.

- Pourquoi tous les hommes ne sont ils pas en formation ? Il est déjà tard.

L'officier ne se formalisa pas de l'humeur massacrante de son chef, et plus proche amis
qu'il savait toujours sur les dents avant un départ en campagne.

- C'est la seule cohorte encore désorganisée, messire. Les autres attendent dehors.
Les montures de bat ploient sous le poids des vivres et les hommes sont équipés de la tête aux pieds.
Ils ont bu, mangé et soulagé leur vessie - finit-il de dire dans un sourire

Il voulut foudroyer son second du regard, mais avec si peu de lumière, c'était peine perdue.
- Alors, ou sont donc ces maudites bonnes femmes!
- Elles ont bu, mangé... et soulagé leur vessie... cher patriote. lui répondit une voix féminine derrière lui

Il se retourna et reconnut la crinière de feu Mélisandre, la dame de Stenon
qui était suivie d'une redoutable meute.

- Mélisandre, je ne m'attendais pas à devoir emmener vos couturières, vos blanchisseusses et vos servantes.
Vous envisagez sans doute d'apprendre la broderire à mes hommes la nuit autour des feux de camp.
- L’épouse du général Perento, sa fille et moi même ne pouvons voyager sans nos suivantes, Elysius
- Dans ce cas, espérez qu'elles savent chevaucher. Si elles basculent de leur selle en traversant
le premier caniveau venus, vous devrez faire votre deuil de leur foutue compagnie.

Ignorant le hoquet indigné de ces dames face à tant de muflerie, il tourna les talons
et disparut beugler quelques ordres à ses hommes.
Beorn leur adressa un petit signe compatissant, s'excusant de l'attitude de son chef, et fila chercher leurs chevaux.

- On m'a assuré que l'humeur de ce gentilhomme s'améliore au lever du soleil..
déclara Mélisandre à l'épouse du général sur le ton de la conversation.
- Je ne m'étonne plus que Sanctum lui batte froid!
souffla celle-ci, agacée que son mari ne lui ait pas dégoté un protecteur plus courtois
et aussi d'une ascendance moins douteuse pour cette escorte.

- Je suis venu te dire au revoir, Elysius, dit soudainement Magnus en sortant de l'ombre ou il avait
sans doute suivis toute la scène.
Le templier s'inclina et salua son protecteur en se frappant la poitrine du poing droit.

- Que ton voyage se passe bien, mon fils. Trouve les réponses dont nous avons tant besoin..
Et ne reviens pas sur ta promesse.
Depuis leur querelle, cinq jours plus tôt, la tension ne s'était toujours pas dissipée entre les deux hommes.
- Armes et foi, frère-Maitre, lança t'il
- Armes, et foi mon enfant, répéta Magnus, puisse Les sept veiller sur toi.
Un long moment, ils restèrent silencieux, les yeux dans les yeux. Puis le Templier fit volter son étalon et s'éloigna

- Prets au départ, soldats ? Cria t'il
Dans la cour et dehors, le baryton de multiples gorges se fit écho à son ralliement
- Nous attendons tes ordres, commandant.
- Alors en avent!

Ils se dirigèrent ainsi vers ce qui adviendrait une fin funeste.

I / Reconaissance

Confortablement installé dans la salle commune de l'auberge, il fumait tranquillement de ce tabac si parfait et délicat.

Un musicien jouait approximativement bien ses quelques répertoires, et devant lui
se dressait une coupe d'un excellent millésime locale.
Il avait décidément tout pour passer un agréable moment.

Ses sens aiguisés de soldat et son caractère naturellement suspicieux s'unissaient pour le mettre toutefois
en alerte, car un doute sinueux en lui, lui taraudait l'échine, Le problème est qu'il, se sentait malgrès tout profondément détendu.
mais une parcelle de son être lui évoquait certaines réminiscences du passé.
La sensation s'évanouit instantanément lorsqu'une belle femme traversa la salle d'un pas décidé
pour venir lui appliquer une gifle magistrale!
- Elysius Belaguez, comment oses-tu venir encore ici ?
Il frotta sa joue cuisante, la bouche grande ouverte
pivotant sur ses talons, elle repartit aussi vivement qu'une chimère, magnifique de colère
et de dignité outragée dans un ouragan de parfum de quetsche.
On riait de la scène dans toute l'auberge, quand une fille s'approcha pour débarrasser sa table.
- Azhure est franchement fâchée cette fois, Elysius.
- C'est ce que j'ai cru comprendre..
- Qu'est-ce que je peut faire pour arranger ça ? Hasarda t'il vers la serveuse pour tenter de retrouver
le souvenir de l'outrage qu'il avait manifestement fait à cette beauté fugace
dont la silhouette disparaissait désormais au loin.
- Je ne sais pas. Comment est-ce qu'on arrange ça avec une femme qui se préparait pour son mariage?
lui reprocha l’adolescente en roulant des yeux au ciel
- Je peut expliquer...
- Pas à moi, Elysius, à elle!
Il eut un sourire

- Ou puis-je la trouver ?
La fille cala sa pile d'assiettes contre sa hanche pour poser sur lui un regard pantois :
- déjà oublié?
- La vie n'as pas été tendre ces derniers temps ..
La jeune serveuse lui indiqua le tout, et il la remercia, une étincelle aimable brilla dans sa prunelle
accompagnée d'un de ces petits sourires légèrement ironiques qu'il maniait si bien.
Il sortit de l'auberge pour marcher dans les rues adjacentes, passablement animées.
En plus de sa réputation en matière d'armes, la région était le point de ralliement de tout ceux qui
sillonnaient le nord. En déambulant, tout à sa réflexion, il se demanda comment faire amende honorable.
- « Le mariage! » jura t'il entre ses dents.
C'était vraiment la dernière chose dont il avait besoin.

- Êtes vous Elysius Belaguez, messire ? Demanda l'homme au mercenaire
- C'est ça.
- Alors si vous voulez bien me suivre.
L'homme le conduisit dans une grande pièce inondée de lumière ou une silhouette d'age composé et solidement bâtis
examinait plusieurs armes à la loupe.
- Bonjour, Elysius, dit-il sans lever le nez de son travail
le mercenaire hocha la tête, quand bien même l'autre ne pouvait pas voir son geste :
- Wevyr, répondit-il prudemment
- Ne me dis pas que tu les as perdues ?
- Je les aient perdues.
- Il m'a fallut les céder après une partie qui à mal tournée.
- Tu avais payé une fortune pour les avoir! s'exclama l'artisan en relevant la tête.
Un large ruban ceignait son front pour maintenir une loupe devant l'un de ses yeux.
Elysius haussa les épaules en signe de fatalisme:
- Les enjeux étaient gros.
- Tu est fou!
Il voyait bien que le forgeron bougon n'était en rien impressionné par sa stature ni sa fortune
- Je suis désolé. Et la dessus tu peut me croire - ça ne se répétera pas, tenta t'il avec équité
- Exactement, ça ne te n'arrivera plus parce que tu n'auras plus jamais une de mes précieuses armes en main.
- Allons, Il ne faut jamais dire jamais... Et puis.. tes lames sont les seules qui valent leur prix dans tout le pays
les Empyréens le savent.. jura t'il par ses grands dieux.
l'humeur de l'homme de forge ne s'en trouva pas améliorée par le large sourire goguenard que lui offrait son locuteur
la flatterie était sans effet, le vieil homme paraissait sincèrement froissé.
- J'ai passé ma vie entière à fabriquer des armes pour de grands noms.
Dans son existence de combattant, Xenophon à tué trois cent soixante-dix proscrits
avec une seule de mes armes. Et le seigneur Macus lui meme à reconnu qu'il n'avait eu à affûter
que par deux fois la lame que je lui avais faite de ça maintenant cinq décennies, et voilà que toi
tu te présente devant moi avec tes grands airs collet monté et ce maudit sourire..!
Son monologue agacé s'acheva en quinte de toux.

Au fil de la conversation, le mercenaire avait réussis à adoucir les récriminations de son vieil ami
tant bien qu'il en était finalement advenu à l'emmener sur un terrain tout à fait favorable
- Moins fort! Les murs ont des oreilles, même ici.
- Désolé, mais ce sont les nouvelles du front, et c'est ce qui s'entend de plus en plus souvent
autour des feux de camps, les hommes doutent sur le bien fondé de cette guerre, wevyr.
- Je ne veut rien entendre de plus, proclama le maître d'armes, une main dressée devant lui
négativement comme pour souligner son propos - Je suis trop vieux pour ces intrigues de toute façon.
- Bon, qu'est-ce que tu voudrais?
- Comme toujours.
- Suis-moi alors.
Le vieil homme retira sa loupe frontale, fit le tour de la table, puis emmena son client devant un présentoir qu'il ouvrit avec lenteur et majesté.
Il en retira une épée somptueuse, dont la lame et la garde montraient de fines gravures absolument uniques.
- La plus belle que j'ai jamais faite, l'artisan plissait le front en parcourant une main revêche sur la lame qui jetait des reflets bleu nuits.
- Et tu accepterais de me la céder .. déclara t'il sobrement, dubitatif
Wevyr eu un petit rictus amer:
- Rares sont les hommes dont j'estime le talent suffisant pour simplement les autoriser à poser une main sur cette merveille.
Et toi, tu as la chance de manier l'épée avec une telle maestria que tu mérites au moins quelque chose d'égal, ajouta t'il d'un ton renfrogné, presque devenu acerbe.
Pour faire bonne mesure, wevyr posa un index menaçant sur la poitrine du mercenaire
lui intimant de veiller sur cette merveille comme sur la prunelle de ses yeux en signe de mise en garde.
Il ne s'en trouva toujours pas ragaillardie par le large sourire de contentement apparu de nouveau sur le visage du reître
- Merci bien.
Il se saisissa du sublime objet, émerveillé de sa légèreté et de la fluidité de sa prise en main son équilibre était sans équivoque ni pareille.
- Tu permet ? interrogea t'il en désignant du menton une porte menant à une petite cour intérieure.
- Bien sur, et il y a des couteaux qui vont avec.

Il démarra l'une de ses séries d'exercices habituels et sentit aussitôt la patte du gardien
dont il partageait désormais l'essence ajouter du neuf à ses mouvements
leurs talents immenses s'additionnaient à présent, se conjuguaient pour créer des arabesques
d'une grâce innovante. Rapide, agile et puissant, son style était au demeurant tout un stratège
il devançait plusieurs assauts à l'avance, tandis que son escrime paraissait intuitive et réflexe aux yeux du spectateur.
Incisif, toujours porté vers l'avant, il ne reculait pas, imposant une pression croissante au mannequin
saoulé de coups de taille et d'estoc, sur le poitrail et les membres inférieurs il exécuta enfin une rotation
sur ses talons pour asséner en ligne basse un coup puissant des deux mains, un assaut qu'il effectuait généralement avec une guisarme.
Un rayon de soleil frappa la lame qui renvoya un éclat bleu, la scène était magnétique.

- Cet enchainement, tu l'as préparé pour quelqu'un en particulier ? questionna wevyr arrivé dans son dos avec la paire de couteaux.
- Oui, pour moi meme. C'est l'aboutissement d'une vie de travail - en fait, on pourrait dire qu'il m'a fallu deux vies pour en arriver là.
Tu sais, je crois bien que je vais te la prendre, dit-il dans un de ses sourire impétueux, sous le charme.

» Elysius Belaguez.